La Communication NonViolente dans le domaine de la santé

Une démarche au service de la santé des individus et des institutions

Par Pascale Molho, Docteur en médecine et formatrice certifiée en Communication NonViolente, selon le processus de Marshall Rosenberg.

Mercredi 26 novembre 2003, par Pascale Molho // Santé

Démarche centrée sur l’écoute des sentiments et des besoins, la CNV permet à chacun d’être davantage en lien avec lui-même et avec autrui. Développer un climat de confiance et une coopération basée sur le respect de ses valeurs et de celles d’autrui est essentiel dans les institutions dédiées à la santé.

On retrouve chez un certain nombre de personnes atteintes de maladies, cardiovasculaires, autoimmunes ou de cancers l’incapacité d’exprimer ses émotions et ses besoins. Savoir les reconnaître et les exprimer ne peut que favoriser le maintien d’un équilibre nécessaire à la santé et contribuer à la guérison.

Notre objectif est de former les soignants et autres acteurs de la santé à cette approche pour qu’ils en goûtent les bienfaits et la transmettent aux patients par leur attitude et leur écoute. Il s’agit de créer un monde nonviolent au sein des institutions de soins.

Qu’y a -t-il de pire pour une personne qui vient consulter de s’entendre dire après de multiples (et coûteux !) examens « vous n’avez rien, c’est psychologique » ? Alors que cette personne a besoin d’empathie pour toute l’anxiété, la souffrance accumulée qui se manifeste sous forme de somatisations. Jeune interne, il m’est arrivé de réagir de telle façon, ne sachant absolument pas quoi faire avec de tels patients - dont les symptômes ne rentraient dans aucune des cases connues.

Je crois que j’aurais ouvert de grands yeux si on m’avait annoncé un cours sur la Communication NonViolente (CNV) lors de ma première année de médecine, en 1975. J’aurais été encore plus étonnée si on m’avait prédit que je quitterais un jour ma pratique médicale hospitalière pour me consacrer à la formation à la Communication NonViolente, ce que je fais depuis 7 ans et à temps plein depuis trois ans.

Vingt - huit ans plus tard, j’ai le souhait que cette dimension d’écoute profonde des besoins de chacun soit au cœur de la pratique médicale, et j’y contribue en formant des équipes soignantes dans divers hôpitaux. Je dis les besoins de chacun, et pas seulement ceux des patients, car la prise en compte des besoins des soignants me paraît indispensable, vitale, pour maintenir un climat propice à la guérison. Prendre soin de soi avant de prendre soin des autres a été une véritable révolution dans mon système intérieur, tellement conditionné à se dévouer aux autres.

J’ai découvert la CNV en 1994, après des années de pratique hospitalière en maladies du sang puis en maladies cardiovasculaires, au cours desquelles j’avais suivi des formations en soins palliatifs, puis avais participé à un groupe Balint pendant quelques années. Ces formations centrées sur le patient avaient déjà changé mon regard et m’avaient permis d’aller plus loin dans les relations soignants - soignés, mais pas suffisamment à l’écoute de moi-même.

Le stimulus qui a déclenché en moi cette ouverture a été une réflexion d’un de mes patrons en hématologie (maladies du sang) alors que j’avais pleuré en annonçant à une jeune femme, mère de trois enfants, en rechute de leucémie que nous avions épuisé toutes les chimiothérapies possibles. Mon patron m’avait dit « vous êtes trop sensible, vous vous êtes trompée de carrière ». J’avais été choquée par ce jugement porté sur moi, effondrée alors que j’avais besoin de soutien, d’aide pour savoir comment faire dans pareille circonstance. La CNV m’a permis de comprendre a posteriori que cet homme était inquiet à deux niveaux : par rapport à son besoin d’être rassuré que les soignants de son équipe étaient à même de gérer leurs émotions dans l’intérêt du patient, et aussi par rapport au jeune médecin que j’étais - il souhaitait me mettre en garde, me protéger, de l’épuisement émotionnel que connaissent de nombreux soignants et aboutit à un blindage.

La CNV m’a fait brusquement prendre conscience que j’avais aussi des besoins, en tant que femme et en tant que soignant - que les soignants ont des besoins, et que les exprimer au patient pouvait être bénéfique. Elle m’a aussi fait prendre conscience du retentissement de toutes les émotions et besoins non exprimés sur la santé. L’histoire d’une patiente qui souffrait de crises d’angine de poitrine, et m’a annoncé un jour qu’elle venait de prendre conscience que ses crises survenaient lorsqu’elle disait « oui » alors qu’elle pensait « non », sans oser le dire, en a été une preuve pour moi.

Aujourd’hui, mes collègues francophones et moi-même avons le privilège de partager la CNV avec de nombreux soignants et acteurs de la santé en France, Belgique, et Suisse. Les objectifs de la formation sont :

- de permettre aux soignants d’être à l’écoute de leurs besoins, et d’en prendre soin
- de développer davantage de confiance et de coopération dans les équipes de soin, afin que les équipes soient un lieu de ressourcement, à même de prévenir le « burn-out »
- d’intégrer l’empathie dans les programmes d’éducation des patients, afin de redonner au patient pleinement sa place et la conscience de sa responsabilité dans la prise en charge de la santé
- de donner au personnel des compétences pour désamorcer la violence notamment aux urgences.
- Et plus globalement, de favoriser la prise de conscience de la violence que chacun contribue à générer, afin de transformer cette énergie destructrice, source d’épuisement, en un climat de confiance et de coopération permettant à chacun d’épanouir au mieux ses potentialités au service des patients.

A ce jour, la formation a concerné soit des équipes entières, comme le service de diabétologie à l’Hôpital de Boulogne sur mer, de Douai, et bientôt à Dôle , soit des réseaux de soins ville - hôpital (Tours, Vichy). L’espace pédagogique maladies chroniques d’Alençon réunit de manière transversale des professionnels impliqués dans la prévention, l’éducation pour la santé, ou la prise en charge des maladies chroniques (voir les témoignages ). C’est aussi un lieu d’accueil et d’éducation des patients. Une centaine de professionnels de santé y ont reçu 4 à 6 jours de formation à la CNV, et certains participent de matière régulière à des groupes de pratique. A l’hôpital de Rochefort, la formation menée par Charlotte Duprez Mourman a concerné le personnel médical et administratif.

Des groupes appui violence se sont constitués dans plusieurs centres hospitaliers, tel celui de Beauvais, dans le but à la fois de réfléchir sur les facteurs qui contribuent à la violence en interne, et d’améliorer l’accueil et le suivi des personnes victimes de violence. La CNV fait partie des formations destinées à donner au personnel les moyens de désamorcer cette violente, d’accompagner les victimes et d’agir de manière préventive.

Des médecins généralistes de Picardie se sont formés le cadre de la formation continue (MG Form). Dès le premier module, ils ont décrit comme premier bénéfice d’avoir appris à prendre soin de leurs besoins.

Une généraliste m’écrit après la deuxième session « une mère venait systématiquement pour sa fille de 3 ans ( rhinopharyngites à répétition ) ; je la rassurais sans donner de traitement. Cette fois-ci j’ai essayé d’aller plus loin par l’écoute de ses sentiments et de ses besoins et en fait la mère est tellement épuisée par son rythme de travail et les transports qu’une nuit avec sa fille qui tousse et elle s’écroule physiquement et moralement. Je lui ai donc conseillé d’utiliser ses 2 h de trains pour se reposer, se détendre, écouter de la musique ( ce qu’elle aime et ne fait jamais ) ; elle est ressortie revigorée de la consultation . Je me sens satisfaite. »

La démarche est donc à la fois simple et puissante. Si une formation approfondie est nécessaire pour se souvenir au quotidien de l’esprit de la démarche et la mettre en pratique dans les situations de défi, le déclic se fait en général dès la première formation, voire même la lecture des livres (1,2).

Une pratique régulière est nécessaire pour recevoir soi même de l’empathie, du soutien et devenir plus fluide. Que cette manière d’être, de réagir avec empathie plutôt que de prendre contre soi ou de contre-attaquer re-devienne naturelle. Ecouter l’autre avec empathie, c’est d’abord pour se faire du bien à soi.

C’est dans l’objectif de former des personnes ressources ou référentes dans les établissements de soin, susceptibles d’animer des groupes de pratique, d’intervenir dans les équipes et de faire des médiations qu’une première formation à la « CNV pour les acteurs de la santé » aura lieu du 25 au 28 mai et du 12 au 15 octobre 2004*.

(*lieu à préciser, contacter Brigitte Georgel au 01 46 42 31 60 ; [email protected])

Références :

1- « Les Mots sont des fenêtres (ou bien des murs), Editions La Découverte

Marshall Rosenberg, PhD.

2- « Cessez d’être gentil soyez vrai », Editions de l’Homme - Thomas d’Ansembourg,

Article paru dans le n°271 de la revue NON-Violence Actualité :

5 Messages de forum

  • bonjour,
    je suis médecin généraliste à Bruxelles (Belgique) et je pratique du Balint depuis de nombreuses années.J’ai découvert récemment la CNV et j’éprouve une grande satisfaction à appliquer cette démarche dans mes consultations.Pourriez vous me mettre en contact avec d’autres généralistes qui l’utilisent ?Merci d’avance

  • Bonjour

    Je suis étudiante en 2 ème année d’ergothérapie à Bruxelles et serais très intéressée pour faire mon travail de fin d’études l’année prochaine sur la CNV. Mon idée était de permettre à des patients de pouvoir utiliser ce processus. Une ergothérapeute sur Bruxelles est venue nous présenter un projet expliquant qu’elle serais prète à laisser travailler un étudiant avec des patients souffrants d’insuffisance reinale chronique de façon à développer leurs compétences en communication.
    Je suis bien évidement intéressée mais comment puis-je être suffisement formée pour septembre 2006 alors que je n’ai fais qu’ un seul stage d’introduction avec Anne Bruneau (formatrice candidate à la certification) le 21/01 et le 4/02.
    De plus n’ayant pas encore ce processus bien en tête j’ai beaucoup de mal à poser une question problème (demande de mes professeurs) pour initier ce travail de fins d’études.

    J’espère avoir été suffisement claire

    Bien à vous

    Hélène

  • Une démarche au service de la santé des individus et des institutions 13 septembre 2006 17:00, par ROUSSELET Maryline

    Je suis infirmière depuis 23 ans dans un centre hospialier, et dans un bloc opératoire depuis 20 ans. En 2001, je me suis penchée sur les problèmes de communication avec les patients et les équipes soignantes. J’ai fait une formation en PNL et suis maître praticienne. Cette technique m’a beaucoup apportée. Mal connue et souvent à tort jugée manipulatrice, j’ai découvert la CNV avec le livre de Marshall Rosenberg. J’aimerais approfondir cette méthode de communication et pourquoi être référente dans les établissements de soin. Pouvez-vous me donner des adresses de formation, de contacts. Merci

    Voir en ligne : une démarche au service de la santé des individus et des intistutions

    • Une démarche au service de la santé des individus et des institutions 23 septembre 2006 15:26, par Céline MOUGEOT

      Bonjour,
      Je suis infirmière à l’hopital de BEAUVAIS dans l’Oise, j’ai eu la chance d’être formée à la CNV dans le cadre de la formation continue à l’hopital qui s’est impliqué profondément dans un processus d’amélioration des conditions de vie des soignants et d’une meilleure prise en charge des patients. c’est Pascale MOLHO qui a pris la responsabilité de ces formations. je ne sais pas où vous vous situez géographiquement mais il y a des stages d’initiation à la CNV à Paris et en province, vous trouverez les dates et les noms des intervenants dans l’agenda du site. Vous pouvez vous former à titre individuel ou bien faire une demande de prise en charge dans le cadre de la formation continue de votre centre hospitalier.
      Bonne continuation !


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