Témoignage d’un vécu en formation de Communication NonViolente et gestion positive des conflits (CNV).
Lundi 12 septembre 2011, par La CNV dans le monde
//I. INTRODUCTION
Dans le souci d’amener les gens à retrouver leur nature profonde de bienveillance, l’association pour la Communication NonViolente, organise des séminaires et des ateliers des formations qui visent notamment à : « Briser les schémas de pensées qui mènent à toute forme de méchanceté jusqu’à la déprime et qui nous pourrissent la vie ; Transformer des conflits potentiels en dialogue paisible ; Exprimer ce que nous désirons sans blesser notre interlocuteurs ni susciter d’hostilité ; N’entendre que le besoin profond à l’origine de tout ce qui est dit ou mal exprimé ; Nous rendre la vie plus belle, pour nous et pour ceux qui nous entourent »
A travers les lignes qui suivent, j’ai tenu à présenter un fait qui m’a profondément marqué et que nous avons vécu au cours de l’une de ces formations organisée du 05 au 08 juillet 2011, à Kinshasa, la capitale de la République Démocratique du Congo, au centre catholique appelé ASUMA, situé sur l’avenue Paroisse, quartier Righini, dans la commune de Lemba. Cette formation a rassemblé 30 participants ; dont 12 membres de la Communauté du Chemin Neuf et 16 animateurs sociaux du centre « Ndako Ya Biso », qui encadrent et accompagnent les enfants en rupture familiale et sociale. Au cours de cette session de formation, les participants ont vécu un fait réel qui les a permis à appréhender et à mesurer la pertinente de la CNV dans une situation concrète de conflit. Un fait qui a intervenu le premier jour de la formation, c’est-à-dire le 05/07/2011 juste après la révision de ce qu’a été l’essentiel de la formation précédente du mois d’avril dernier sur les 4 étapes du processus de la CNV. Pierre Muanda, formateur certifié du « Center of NonViolente Communication » venu de Belgique, a invité les participants dans un exercice pratique où chacun pouvait : dans un premier temps dire des pensées ou des propos qu’il a réellement eus ou proférés contre quelqu’un en termes de jugement – puis de traduire le même message en langage bienveillant en se servant des 4 étapes de la CNV. On pourrait ici se poser la question de savoir quel est la pertinente d’un tel exercice dans une telle formation ? La réponse à cette question est toute plausible. En effet, un tel exercice favorise la compréhension. Il permet aux participants d’observer, de percevoir et d’analyser un dialogue sincère, authentique et respectueux. Enfin, il amène chaque participant de s’exprimer, d’écouter l’autre, avec une grande conscience et une qualité de présence et de cœur. C’est au moment où je m’apprêtais à réaliser cet exercice que tout est arrivé. Ce fait vécu, au-delà de la violence qu’il avait engendré et des bouleversements qu’il avait provoqués en plein début de formation, il a néanmoins permis au groupe de comprendre que la CNV pourrait résoudre des problèmes, même dans des conditions épouvantables ou désespérées. L’objectif que visent ces quelques lignes, est d’amener les lecteurs à comprendre que la CNV est une force qui libère. Elle est un outil efficace qui nous permet à instaurer la paix, la sérénité et la compréhension mutuelle. Tenant compte de ce que j’ai vécu, la CNV est pour ma part, dans une certaine mesure, une thérapie contres des maux psychosomatiques.
Pour mieux comprendre le récit à travers la grille de lecture proposée, je commencerai par un petit détour théorique qui rappelle ces 4 étapes du processus de la CNV.
II. RAPPEL SUR LES 4 ETAPES DU PROCESSUS DE LA CNV
« La communication nonviolente, ou CNV, élaborée par Marshall Rosenberg (collaborateur de Carl Rogers) repose sur une pratique du langage qui renforce notre aptitude à conserver nos qualités de cœur, même dans des conditions épouvantables » . La CNV est une pratique qui répond à 4 étapes. En effet, Thomas d’Ansembourg, nous fait constater que « par ce processus en quatre points, nous sommes invités à prendre conscience que nous réagissons toujours à quelque chose, à une situation (c’est le point 1, l’observation), que cette observation suscite toujours en nous un sentiment (c’est le point 2), que ce sentiment correspond à un besoin (point 3) qui nous invite à formuler une demande (point 4) » . Ces 4 étapes ne sont pas à confondre avec d’autres notions utilisées habituellement comme nous pouvons le résumer dans le tableau ci-dessous.
Notions utilisées en CNV A ne pas confondre avec d’autres notions utilisées habituellement
1. Observation, elle est purement descriptive
Exemple : Il mesure 30 cm de haut et est trois fois plus large que mon bras. 1. Evaluation, jugement
Fait la confusion entre ce qui est en réalité et ce qu’on pense.
Exemple : Il est petit et gros.
Pierre Muanda dans son exposé durant la formation, nous a fait savoir que l’observation est une description objective de ce que je peux percevoir par mes cinq sens sans ajouter mes interprétations ou jugement…C’est comme une caméra. Et il nous a rappelé ces 5 sens appris à l’école :
l’« ouïe » ; le sens par le quel on perçoit le son. Ce qu’on a entendu dire ou ce qu’on a murmuré sans interprétation, ni évaluation ou encore sans porter un jugement ni une critique. On relate les faits comme une camera, sans faire des commentaires.
Le « goût », L’organe de sens c’est la langue. Ça permet de décrire la saveur (salé, sucré…). Et on sait aussi que la langue peut signifier dans certaines circonstances, la parole. Et dans la CNV, on rapporte fidèlement les propos que l’autre a prononcés.
L’ « odorat », Celui de cinq sens qui permet de percevoir les odeurs.
La « vu », celui de cinq sens par lequel on voit, on regarde l’objet.
Le « touché », le sens par lequel on connait la forme et l’état extérieur des corps.
A cette étape, « tentons d’observer les faits uniquement. Regardons attentivement ce à quoi nous réagissons et mettons par écrits une observation claire de la situation. Ecrivons ces faits, en veillant à ne pas y incorporer nos jugements .
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2. Sentiment « pur »
Décrit aussi exclusivement que possible ce qui se passe en soi.
Exemple : Je me sens triste et seul. 2. Sentiment « Fallacieux »
Implique une autre personne et l’accuse implicitement- est un jugement porté sur soi.
Exemple : Je me sens rejetée et mal aimée.
Je suis débile d’avoir répandu ça
Le sentiment, c’est la sensation interne actuelle par rapport à ce que je sens ou perçois par les sens. D’après Marshall Rosenberg, « le sentiment fonctionne comme un signal lumineux sur un tableau de bord, il nous indique qu’une fonction intérieure est ou n’est pas remplie » . En effet, il résulte de ce qui précède que nos émotions sont comme des vagues des sentiments multiples, agréables ou désagréables, qu’il est intéressant de pouvoir identifier et différencier. L’intérêt d’identifier notre sentiment, ce qu’il nous renseigne sur nous-mêmes en invitant à identifier nos besoins. Le sentiment fonctionne comme un signal clignotant sur un tableau de bord : il nous indique qu’une fonction est ou n’est pas rempli, qu’un besoin est ou n’est pas satisfait » . Le sentiment n’est pas isolé. Il est toujours lié à un besoin.
3. Besoin
Rejoint au plus près l’énergie vitale en soi ou en l’autre ; est donc une notion abstraite, énergétique et universelle.
Exemple : J’ai besoin de chaleur humaine et de sécurité. 3. Stratégie
Est quelque chose que l’on peut faire, qui implique l’action d’une personne et qui est destinée à satisfaire un ou plusieurs besoins.
Exemple : Je voudrais avoir une bonne relation avec elle.
Les besoins sont des valeurs universelles, des forces énergétiques qui nous poussent d’agir. Ils sont à la base d’un sentiment donné. D’après Marshall Rosenberg, les besoins « peuvent être considérés comme des ressources qui sont nécessaires au maintien de la vie. Pour assurer notre bien être physique, par exemple, il faut que nos besoins d’air, d’eau, de repos et de nourriture soient comblés. Notre bien être psychologique et spirituel, lui, est renforcé lorsque nos besoins de compréhension, de soutien, d’honnêteté et de sens sont assouvis » . « Il s’agit de nos besoins de base, ceux qui sont essentiels à notre maintien en vie, ceux que nous devons satisfaire pour trouver un équilibre satisfaisant, ceux qui touche à nos valeurs humaines les plus répandues : identité, respect, compréhension, responsabilité, liberté, entraide » Selon Pierre Muanda, le besoin requière d’être reconnu et pas nécessairement d’être satisfait. Le besoin est différent de stratégie. Cette dernière n’étant que le moyen qu’on utilise pour assouvir ce besoin.
4. Demande
Elle est positive, concrète et réalisable, elle autorise la personne à qui on l’adresse à répondre par oui ou par non.
Exemple : Es-tu d’accord de venir à trois heures ?
4. Exigence
Elle est plus un ordre qu’une invitation, même si elle est parfois déguisée sous l’apparence d’une politesse exquise.
Exemple : Es-tu d’accord de venir à trois heures
Dans son exposé, Pierre Muanda a attiré notre attention sur le fait qu’une demande doit être précise, claire, concrète, positive, négociable, réalisable ; elle est différente de l’exigence. « En formulant une demande concrète, nous sortons de l’attente souvent désespérée, que l’autre comprenne notre besoin et accepte de le satisfaire, attente qui peut durer une éternité et se révéler extrêmement frustrante. C’est nous qui prenons en charge la gestion de notre besoin et dont la responsabilité de sa satisfaction. Nous nous piégeons cependant souvent en prenant nos demandes pour nos besoins fondamentaux » .
En nous exhortant sur d’autres formes de communication qui génèrent des conflits, Pierre Muanda a évoqué le déni de responsabilité en l’illustrant magistralement par ce qu’il a appelé « le syndrome d’Adam ». Anecdote tirée de la Bible où Adam rejette carrément toute la faute sur Eve et même sur Dieu en disant : « c’est la femme que Tu as mis a mes cotés … » (Genèse 2 :12). Cet exemple m’avait vraiment interpellé sur notre nature à toujours jeter la responsabilité de nos actes sur autrui et jamais sur soi. En résumé, la pratique du processus de la CNV selon Marshall Rosenberg se présente comme suit :
J’exprime avec honnêteté comment je me sens, sans formuler de reproches ni de critiques J’écoute avec empathie comment tu te sens, sans entendre de reproches ni de critiques OBSERVATION 1. Ce que j’observe (vois, entends, me rappelle, imagine-sans y mettre mes évaluations) qui contribue ou nom à mon bien être : « Lorsque je (vois, entends)… » 1. Les actions concrète que observes (vois, entends, te rappelles, imagines-sans y mettre tes évaluations) qui contribue ou non à ton bien-être : « Lorsque tu (vois, entends)… » SENTIMENTS 2. Comment je me sens (émotion ou sensation plutôt que pensée) par rapport à ce que j’observe : « Je me sens… » 2. Comment tu te sens (émotion ou sensation plutôt que pensée) par rapport aux actions que tu observes : « Tu te sens… » BESOINS 3. L’énergie vitale exprimée sous forme de besoins, de valeurs, de désir, d’attentes ou de pensées qui font naître mes sentiments : « Parce que j’ai besoin de …J’accorde de l’importance à … » 3. L’énergie vitale exprimée sous forme de besoins, de valeurs, de désirs, d’attentes ou de pensées qui font naître tes sentiments : « Parce que tu as besoin de … tu accorde de l’importance à … » DEMANDE Je demande clairement ce qui pourrait embellir/enrichir ma vie sans que cela soit une exigence 4. Les actions concrètes que j’aimerais voir : « Serais-tu d’accord… ? » Je reçois avec empathie ce qui pourrait embellir/enrichir ta vie sans entendre une exigence 4. Les actions concrètes que tu aimerais Voir : « Voudrais-tu/aimerais-tu… ? »
Après ce petit détour théorique qui éclaire la lanterne du lecteur, venons-en maintenant au cas que nous avons vécu.
III. LE CAS VECU EN FORMATION
Le témoignage que je tiens à présenter ici, est une situation dans laquelle j’étais moi-même impliquée et qui s’est produite durant la séance de formation du 5 juillet 2011 sur le CNV. L’histoire remonte déjà depuis belle lurette. Et pour moi, c’est une situation dramatique que j’ai endurée pendant plusieurs mois. Une histoire qui m’avait beaucoup affectée et traumatisée. Je l’ai partagée à plusieurs membres de l’équipe et frères de la communauté qui ne m’ont pas réellement aidé à répondre à mon besoin de paix, d’unité intérieure et de stabilité. En effet, une maman parmi les participants avait dit des propos désobligeants à mon égard et qui n’arrêtaient pas de résonner dans ma tête. Et que je ne cessai de ressasser avec un énorme poids de tristesse. En effet, un jour, cette maman m’avait rencontré dans la cours de l’école Sainte Christine et je l’entends dire : toi Arnold, tu es mauvais. Tu n’aimais pas mon fils quand il travaillait avec vous. Il me l’avait avoué avant son départ. Et d’ailleurs, c’était mieux qu’il parte, car tu voulais l’empoissonner ; méchant garçon. A ces paroles, j’ai répondu « Maman, pour l’amour du ciel, s’il te plait arrête de me dire cela. Qui suis-je moi à vouloir mettre fin à la vie de ton fils ? J’étais tellement blessé et triste que je suis parti en sanglots. Un frère qui était à côté de moi m’a pris par la main et m’a amené chez lui pour tenter de me remonter la morale. Cette situation a continué d’entretenir beaucoup de souffrances en moi jusqu’au jour de la formation. Le jour même avant la formation et en me voyant, cette maman s’est encore mis à me dire : « Te voilà toi, personne capable de décider du départ d’un travailleur ». J’ai pris la parole pour lui dire comment ça ? La maman a repris la parole pour me dire : tu le sais bien ! La manière dont tu as fait partir Serge mon fils. Ces paroles ont à nouveau remué le couteau dans ma blessure intérieure. Et là j’ai décidé de saisir l’opportunité de l’exercice proposé pour parler de cette situation gravissime pour moi. Car le poids de cette culpabilité était trop lourd à supporter. C’était le moment où chaque participant devait présenter son cas. Pour rappel, Pierre M. avait demandé d’exprimer des pensées ou des propos proférés contre quelqu’un en termes de jugements, puis redire le même message traduit en langage bienveillant en se servant des 4 étapes (observation-sentiments-besoins-demande). Deux personnes étaient passées avant moi pour présenter leurs cas. Au centre de la salle, étaient placés 5 papiers, sur chacun de ces papiers était écrit un mot : jugements, observation, sentiment, besoin et demande. On devait circuler devant chacun de ces papiers selon que l’on s’exprimait en termes de jugements, d’observation, de sentiment, de besoin ou de demande. Rassuré par le formateur qui ne cessait de recadrer au besoin, j’ai rassemblé mon courage et j’ai pris la parole en disant : « Quand j’attends maman…dire que je n’aimais pas son fils et que je voulais l’empoissonner, je me sens choqué et bouleversé… » Je n’avais même pas terminé la phrase que la maman, se sentant visée et considérant que ses propos étaient déformés, selon elle, s’est emportée vivement. Elle est entrée dans une grande colère. Elle s’est mise débout et à commencé à me parler violemment. Dans mon cœur, j’ai pris du recul et j’ai tout de suite compris ce que Pierre M. a toujours dit d’être attentifs dans, notre langage, au choix des mots. Ceux-ci peuvent être des murs ou des fenêtres. "Des mots à éviter car ils risquent de nous couper de nos besoins et de notre responsabilité" . Prendre du recul pour moi veut dire "respecter l’autre mais ne pas céder". En d’autre mot nous pouvons dire comprendre le besoin de l’autre. D’après Marshall B. Rosenberg, "comprendre les besoins de l’autre ne signifie pas que nous devons renoncer aux nôtres. Cela signifie que nous montrons à l’autre que nous portons de l’intérêt à la fois à nos besoins et aux siens" . Après avoir observé objectivement la scène, le formateur Pierre M. qui endossait, par l’ouragan des événements, sa casquette de médiateur, a pris la parole pour recadrer les choses. Il a demandé à l’auditoire de garder silence et que lui seul et les deux antagonistes avaient la parole. Il a pris tout son temps à laisser parler la maman et moi - à reformuler en termes de sentiments et besoins ce que chacun disait – en demandant simultanément à chacun ce que l’un avait entendu dire de l’autre – en mettant en évidence nos besoins – puis à la fin en demandant nos souhaits ici et maintenant en termes de demande. Pendant tout ce temps, Pierre M. a gardé une attitude de douceur et de patience qui a suscité et favorisé l’adhésion des deux parties en conflit. Et ceci n’est possible qu’en les rejoignant dans leurs souffrances. D’après Jean Marie Petitclerc, « Savoir rejoindre … Cela ne s’apprend pas dans les livrets. C’est une attitude faite d’accueil et d’écoute, une attitude qui s’interdit tout jugement à priori » .le fait de nous rejoindre nous a mis en confiance. Une confiance qui a certainement permis à Pierre M. de donner une écoute empathique, afin de discerner les besoins de chacun. Pour sa part, Jean Marie Petitclerc estime que : « Se mettre à l’écoute de l’autre ce n’est pas d’abord formuler je ne sais quel conseil, mais c’est l’aider à trouver les mots justes pour exprimer ce qu’il ressent au fond de lui-même. Rien n’est plus difficile que d’apprendre à communiquer avec celui qui souffre » . Cette forme d’écoute est ce qu’on appelle en CNV, "empathie". Dans son allocution, Pierre Muanda a défini l’empathie comme une qualité de présence qu’une personne propose à soi-même ou à une autre personne en lui consacrant toute son attention sans préjugés… Pour Marshall B. Rosenberg, l’empathie veut dire : « être pleinement présent à l’autre sans accorder d’attention à nos propres sentiments » . Une attitude qui nous a permis, dans le cas d’espèce, de nous aider à mettre des mots sur nos sentiments, nos besoins et formuler nos demandes. « Cette capacité de discerner les besoins des autres est capitale dans la médiation des conflits. Nous pouvons apporter une assistance en tentant de discerner les besoins de deux parties, en les traduisant par des mots, puis en aidant chacune des parties à entendre les besoins de l’autre. C’est ainsi que se crée une qualité de relation qui permet une relation heureux du conflit ». Ainsi, pour y parvenir Pierre Muanda à chercher à créer cette passerelle d’empathie entre le deux antagonistes. Rappelons que « pour créer une passerelle d’empathie entre des personnes qui recherchent la guérison ou la réconciliation dans une relation importante pour elles, il y a trois étapes essentielles.
La première étape consiste à écouter avec empathique quelqu’une qui souffre, est en colère ou a peur. La personne qui écoute est réellement présente, elle écoute « ce qui est vivant » chez l’autre sans le juger, lui faire la morale ou porter un diagnostic pour lui ni lui donner des conseils qu’il n’a pas demandés…Tout est fait pour donner à la personne en souffrance toute l’attention empathique dont elle a besoin jusqu’à ce qu’elle éprouve un certain soulagement. La deuxième étape de la guérison ou réconciliation en CNV est la « demande post-empathique », par laquelle la personne qui écoute aide l’autre à travers ce qui lui est nécessaire dans cet instant. Il est important pour le processus de guérison d’entrer en contact avec les besoins insatisfaits de la personne qui reçoit l’empathie, mais aussi de demander à celle-ci ce qui comblerait ces besoins ici et maintenant…Une fois que la personne aura pleinement exprimé sa douleur, découvert ses besoins du moment dans la situation et trouvé des demandes qui répondraient à ces besoins, elle pourra peut-être entendre les sentiments, besoins et demandes de celle qui l’écoute. Troisième étape, la personne qui écoute partage ce qu’elle ressent à la suite de ce qu’elle vient d’entendre. Elle fait son deuil en reconnaissant de quelle manière elle a contribué à créer la situation, et va toucher à la fois les besoins non satisfaits chez elle par ses actions et par la douleur stimulée chez l’autre. Elle relève aussi les actions qu’elle regrette de ne pas avoir accomplies. Ce travail de deuil n’a rien à voir avec des excuses, qui impliquent que l’on reproche à quelqu’un de s’être mal comporté. La personne qui fait son deuil reconnaît ce qu’elle aurait préféré faire pour répondre plus complètement aux besoins de chacun. Cela permet de faire remonter une souffrance, une tristesse ou un remords profond, que la personne qui a souffert a maintenant la capacité d’entendre. Celui qui fait son deuil peut demander qu’on l’écoute en silence pendant qu’il exprime ses besoins ou aussi demander des réactions après coup »
Après coup, j’ai compris que c’est tout cela que Pierre Muanda venait de réaliser. Car, il a réussi à favoriser des échanges en reformulant constamment nos propos en termes de sentiments et besoins dans un climat d’écoute réciproque de chaque partie. En essayant tout simplement de nous ramener à la reconnaissance des besoins de l’un et l’autre. Il nous a aidé à clarifier le sens de ce qui était dit en le traduisant dans un langage qui a favorisé le respect de chacun plutôt que celui qui pourrait contribuer davantage à dévaloriser ou à diminuer l’estime de chacun de nous. Aider chacun de nous à voir ce dont l’autre avait besoin ne suffit pas. Aussi, il était nécessaire pour Pierre de clôturer le processus par une action qui a mon avis avait pu rencontrer nos besoins à tous. Après avoir demandé à chacun son souhait à l’instant, chacun a pris conscience de sa responsabilité en redisant avec regret ce qu’il avait mal exprimé ou déformé de ce qu’il avait entendu de l’autre ; et vice-versa. La salle retenait son souffle dans un silence religieux. Sentant que chacun avait vraiment dit tout ce qu’il fallait et avait l’air apaisé, Pierre M. s’est levé voulant aller nous embrasser pour nous remercier de ce que nous venions de vivre. Mais la maman s’est levée en disant qu’elle tenait d’abord à embrasser publiquement Arnold avec qui elle venait de se réconcilier. A ces mots, toute la salle a réagit spontanément par un tonnerre d’applaudissements, des cris de joie et d’acquiescements comme pour approuver tout ce qui venait de se vivre là, sous leurs yeux pleins d’admiration. C’est seulement après l’embrassade des deux « anciens belligérants » que Pierre a pu prendre part aux accolades. On s’était tous levé pour s’embrasser, dans un climat extraordinairement émouvant et de paix retrouvé ! Et toute la salle était dans l’effervescence de nous voir nous réconcilier. Car tout le monde savait que cette situation minait déjà le climat de travail et Pierre ne savait même pas que par cette réconciliation, il venait d’amorcer une bombe qui aurait pu faire mal au groupe tout entier. Un moment inoubliable à la mesure de la guérison des blessures que la situation avait occasionnées. Au-delà de l’entente entre deux personnes, cette réconciliation a rétabli la bonne ambiance et la cohésion du groupe. Mon cœur déborde de gratitude pour ce qui est arrivé et je me sens davantage motivé, comme plusieurs amis d’ailleurs, à approfondir mon apprentissage de la CNV. Après ce récit je peux maintenant faire la relecture de la situation avec les lunettes de la CNV et en tirer des leçons. Et avec du recul, voici comment je peux analyser la situation vécue.
IV. QUELS ETAIENT NOS SENTIMENTS
Une des choses que j’ai compris, c’est savoir nommer ses sentiments en les reliant aux besoins. Dans le récit ci-dessous, les sentiments que nous avons éprouvés montrent bien que nos besoins n’étaient pas satisfaits. 1. Pour la personne A (la maman), les sentiments qu’elle éprouvait étaient liée à la tristesse, la colère et la peur : A. tristesse B. Colère C. Peur Attristée, - Irrite - Angoissée Chagriné - plein d’agressivité - Préoccupée Démoralisé - plein de ressentiment - Perturbée Désespéré - plein de rancœur - soucieuse Seule Triste 2. Pour la personne B (Moi-même) les sentiments que j’éprouvais étaient liés à la tristesse, la colère et la peur : A. tristesse B. Colère C. Peur Plein de regret - Choqué - Désorienté Emis - Blessé - Désemparé Découragé - Ecœuré - Inquiet Attristé - Paniqué
V. QUELS ETAIENT NOS BESOINS
Je peux maintenant comprendre, dans le cas de notre situation relatée ci-dessus, les besoins en nous qui étaient en souffrance, notamment : 1. Pour la personne A besoins : A. Intégrité B. Interdépendance C. Ressourcement Assurance - Attention - Calme Connexion - Bienveillance - Equilibre Respect de soit - Communication - Espoir Sens de sa propre valeur - Confiance - Confort - Se rassuré que - Temps d’intégration - Confidentialité - Considération - Contact - Empathie 2. Pour la personne B besoins : A. Intégrité B. Interdépendance C. Ressourcement Assurance - Attention - Calme Connexion - Bienveillance - Equilibre Respect de soit - Communication - Espoir Sens de sa propre valeur - Confiance - Confort - Se rassuré que - Temps d’intégration - Confidentialité - Considération - Contact - Empathie
VI. NOS DEMANDES
Une fois que nous connaissons nos besoins, l’étape suivante consiste à exprimer plus clairement ce que nous voulons vraiment pour assouvir nos besoins, en formulant en toute responsabilité nos demandes. Et dans le cas d’espèce, voici ce qu’auraient pu être nos demandes.
1. Pour la personne A, les demandes pouvaient être :
Juste là maintenant, j’aimerai qu’Arnold retire l’expression « vouloir empoissonner mon fils » que je n’ai pas du tout prononcée, ceci pourra me rassurer de poursuivre la formation.
Juste là maintenant, j’aimerai que je sois rassuré que le groupe ici présent sera assez discret pour ne pas divulguer ce mal entendu.
J’aimerai entendre d’Arnold des mots d’excuses.
2. Pour la personne B (Moi-même)
Juste là maintenant, j’aimerais être rassuré que maman a compris que « je ne suis pas le bourreau de son fils » et ça me ferais du bien de me l’entendre refléter par elle.
Juste là maintenant, j’aimerais entendre de la maman un mot d’excuse pour le ton et la voix élevée utilisés lors de nos discussions.
VII. L’APRES CONFLIT
Après avoir nommé nos sentiment, nos besoins et formuler de façon positives et claire nos demandes, nous nous sommes sentis libérés, en sérénité et en paix. La CNV nous a aidés de retrouver un équilibre et une compréhension mutuelle. Elle nous a permis de dissiper nos sentiments de culpabilité, de honte, de peur et de dépression. Elle a transformé nos colères et nos frustrations en un élan qui nous a permis de pouvoir nous regarder et de nous parler. Le processus de la CNV, nous a permis de changer notre mode de fonctionnement, tout en cherchant à nous relier entre nous. Nous avons pu apprendre à nous exprimer avec bienveillance. Enfin la CNV, nous a permis de guérir nos blessures et de trouver des issues qui contribuent à notre bien être.
VIII. CONCLUSION
Suite à tout ce qui précède, je peux affirmer que la CNV est un outil efficace et essentiel dans nos échanges et rapports interpersonnels. Cette formation a non seulement enrichi notre champ lexical par une série de vocabulaires contenu dans les dépliants sentiments/besoins nous offerts par Pierre M, mais aussi nous a appris à faire le choix de transmettre notre pensée, dans le respect, la liberté, la bienveillance et d’en prendre la responsabilité ; par rapport aux mots ou expressions qui génèrent des divisions, séparation, comparaison, catégorisation ou condamnation. La CNV a donc permis de résoudre un conflit réel auquel j’étais personnellement impliqué et qui menaçait de désagréger le groupe tout entier. C’est un véritable soulagement de revivre la paix, la sérénité, la joie de pouvoir se reparler dans la bienveillance, la cohésion retrouvés grâce à cette session de formation en CNV. Par rapport à notre travail en tant qu’animateur sociale, travaillant auprès des personnes en situation difficile et des enfants en rupture familiale et sociale, la CNV, nous donne les clés pour comprendre et résoudre les conflits qui opposent les enfants et leurs familles, tout en cherchant, à les réconcilier avec eux-mêmes, avec leurs familles et leur environnement socioculturel ; et pour guérir leurs expériences et relations passées qui ont été douloureuses ou malheureuses. Je tiens avant de terminer ce mot de conclusion, exprimer toute ma gratitude à Pierre Muanda pour sa patience, son dévouement et sa détermination dans la formation. Je voudrais aussi lui témoigner toute notre reconnaissance pour avoir accepté de donner gratuitement cette formation.
VII. RECOMMANDATIONS
Au terme de ce témoignage, mes souhaits sont :
Que la CNV soit vulgarisée dans tous les étages de la structure du tissu social congolais (écoles, universités, milieux de travail, différentes associations et organisations de la société civile, organisations non-gouvernementales (ONG), syndicats, sénat, parlement…)
Il est étonnant d’apprendre que Pierre Muanda entreprend ce projet de formation CNV en RDC sans un soutien financier ! Il serait souhaitable que l’Etat et des ONG inscrivent ces formations dans leur programmes et dans leurs budgets pour permettre de faire bénéficier à tous cette formation qui contribue certainement au changement des mentalités pour favoriser la bienveillance et l’éveil de la conscience vers les valeurs universelles (telles que la paix, l’entente, la transparence, l’honnêteté, le respect, la vérité, la conscience du travail bien fait, le sens de responsabilité…) qui, du reste, constituent la base du développement d’un pays.
ARNOLD MUSHIET