Article paru dans NVA n° 281, juillet-août 2005
Débat théâtral à Brest
TRAVAIL SUR LA COMMUNICATION
Mardi 19 juillet 2005, par Théatre
//Scène de famille : Kevin joue avec son copain à sa console de jeux vidéo lorsque sa mère rentre de l’école avec sa sœur plus jeune. Non-dit, altercations...
L’accent est mis sur le déficit de communication, d’écoute de soi et de l’autre, qui conduit au mal-être et à l’opposition adulte-enfant.
Le spectacle intitulé « La Sortie du Samedi » est né de l’envie de femmes de différents quartiers de Brest (29) de susciter, autour d’elles, une réflexion sur le thème de la communication avec leurs enfants et adolescents.
Au départ, les femmes partageaient quelques problématiques :
un sentiment de dévalorisation,
des difficultés dans l’exercice de l’autorité parentale,
un isolement relationnel,
des difficultés sociales : chômage, problèmes de santé,...
En 2003, elles expriment leur besoin de communiquer et de partager avec d’autres femmes et mères, la richesse des ateliers de Communication NonViolente (CNV) auxquels elles participent activement depuis 2001. C’est alors qu’est né le projet d’utiliser la démarche de Théâtre Forum pour aller au devant d’autres parents lors d’un débat théâtral. Un groupe se constitue alors autour de ce projet.
Les femmes partent de situations de communication difficiles rencontrées dans leur vie quotidienne, avec les enfants notamment, situations qu’elles décident de mettre en scène. Ces histoires individuelles quittent alors le champ de la sphère privée pour devenir collectives et sont le noyau des séquences théâtrales travaillées par la troupe. La thématique mise en scène est la suivante :
Le temps fort de la démarche a lieu lors du forum, c’est à dire lorsqu’il y a confrontation à un public.
La scène, après avoir été jouée une première fois jusqu’au bout est rejouée : c’est alors la possibilité pour chaque personne dans la salle de prendre une place dans l’histoire en s’exprimant à la place de l’acteur modifiant ainsi la scène de départ.
Cette action s’inscrit à la fois dans une démarche de développement social et dans une démarche de participation citoyenne des habitants.
Elle permet à ces femmes de sortir de l’isolement et de leur problèmes quotidiens ( à travers les répétitions, l’interaction avec le public,...).
Cette action aura aussi permis de libérer la parole. Les femmes partagent leur parcours personnel, les problèmes rencontrés dans leur vie quotidienne sans jugements. Et puis, il y a aussi leur parole donnée lors des soirées de débat théâtral et la rencontre avec un public : temps fort pour l’ensemble des femmes de se sentir à nouveau entendues et reliées à d’autres personnes inconnues et d’être entendues, rejointes dans les questions évoquées. Temps aussi de confrontation des points de vue avec le public, apportant des regards différents sur les situations, des transformations, des changements de positionnement...Elles ont appris à relativiser leurs difficultés prenant conscience que d’autres familles, aussi, y sont confrontées à certaines étapes de leur vie.
Ce qui ressort fortement c’est que ce projet a permis la constitution d’un groupe de femmes solidaires où la confiance, le respect et une attention mutuelle s’installent au fil des rencontres entre elles. Elles ont établi entre elles un type de relation basé sur la solidarité, et le soutien,... C’est comme si l’expérience vécue avec le théâtre, à travers les répétitions, les représentations,...leur avait permis de sortir d’une fragilité personnelle pour passer à la satisfaction d’un besoin qui est celui de se sentir relié aux autres, d’être aussi dans la notion d’échanges (donner, recevoir...)
Autre aspect : Le succès tient à la réelle authenticité des personnes et des histoires mises en scène, et à l’efficacité du jeu de rôle des actrices qui ressentent dans leur corps les émotions relatives au contexte évoqué. D’où, une réelle pertinence des sketchs et une forte sensibilisation du public. Un réel partage aussi.
Une démarche créative : les femmes ont éprouvées un réel plaisir à jouer et être ensemble. Elles ont appris des techniques théâtrales, elles ont beaucoup ri, ce sont défoulées lors des temps de préparation.
Elles sont allées à la rencontre d’un public une première fois, puis une deuxième et troisième,...ce qu’elles n’imaginaient absolument pas. Cela a été une autre étape dans la valorisation du projet, de leur démarche. Elles ont été reconnues. Cela leur a donner envie de continuer et elles préparent une nouvelle pièce : « Nos paroles de mères dans tous leurs états : mère dans la solitude, mère et l’autorité, mère seule avec ses enfants, ... »
Elles éprouvent une certaine fierté à être dans la troupe et se sentent valorisées dans leur rôle d’actrice. Les difficultés vécues par les femmes dans leur vie quotidienne (santé, emploi,...) nécessitent à la fois une grande adaptation du groupe et de l’intervenant car les femmes peuvent être indisponible du jour au lendemain. La troupe se doit d’être souple et de pouvoir permuter des rôles facilement.
L’expérience a pu être menée grâce à la contribution de plusieurs acteurs :
les femmes de différents quartiers de Brest,
les institutions : pour le financement, et par la participation de professionnels, un travailleur social formé au développement social local (écoute des besoins des habitants, aide et soutien au projet, accompagnement dans la mise en œuvre, le suivi,...) et un professionnel du théâtre pour toute la dimension théâtrale.
Par son contenu, le théâtre forum est devenu un outil au service de la fonction parentale. Il implique ses actrices dans un réseau, à l’image d’une toile d’araignée. La dynamique enclenchée permet de se développer, mais aussi aux femmes de s’épanouir en intégrant d’autres activités, groupes. Les femmes du théâtre forum ont formé la troupe, motivées par un intérêt personnel. Avec l’évolution du projet, l’intérêt personnel est devenu collectif.
Josiane SABATIER est travailleur social formée au développement social local et formatrice pré-certifiée en Communication NonViolente ( selon le processus de Marshall Rosenberg) . Elle travaille à la Caisse d’Allocations Familiales du Nord Finistère.
P.-S.
Article paru dans NVA n° 281, juillet-août 2005. 5 euros
Non-Violence Actualité
BP 241
45202 Montargis cedex
Tél. 02 38 93 67 22
Fax 02 38 93 74 72
[email protected]
www.nonviolence-actualite.org